Aujourd’hui, j’aimerais vous parler du marronnage. Souvent, lorsque nous parlons du marronnage en Guyane, nous parlons des Bonis, des N’djuka et d’autres ethnies de noirs marrons venant de la Guyane hollandaise, actuel Suriname. Ces peuples sont entrés en résistance dans la colonie hollandaise, provoquant de nombreuses guerres et certaines ethnies ont dû fuir pour se réfugier sur les rives françaises du Maroni. Mais qu’en est-il du marronnage en Guyane française ?
Deux sortes de marronage en Guyane
En Guyane, il y a eu deux sortes de marronnage. Le petit et le grand marronnage.
Le petit marronnage est un terme utilisé pour un esclave ou un groupe d’esclaves qui prenait la fuite mais qui au bout de quelques jours revenait. Le grand marronnage par contre, se réfère aux esclaves qui s’enfuyaient et qui n’avaient pas l’intention de revenir. Cette fuite se faisait sans esprit de retour et aboutissait à la formation de bandes de marrons qui vivaient de la chasse, de la pêche, de la cueillette ou encore du pillage des habitations qu’ils incendiaient parfois. Le grand marronnage mettait en danger le système esclavagiste, ce qui était sévèrement réprimandé par la loi, de véritables expéditions étaient organisées pour punir les fugitifs.
Mais qui sont ces esclaves qui ont mené la résistance en Guyane française ?
Commençons par l’un des plus connus : Gabriel, ça vous parle ?
Gabriel était le chef d’un groupe de marrons, qui prit la fuite avec une cinquantaine d’esclaves, de l’habitation de Gennes, dans la région de l’Oyak à Roura, vers les années 1700. Ce sera l’une des premières révoltes d’esclaves en Guyane. Une vingtaine d’esclaves sera capturée et sévèrement punie.
En 1706, le chef Gabriel continuera à vivre dans la forêt avec le reste de ses compagnons. En 1712, ils essuieront une attaque organisée par les esclavagistes. Ils se réfugieront sur la montagne Gabriel et combattront les différents assauts des colons jusqu’en 1730. Ces faits de résistance ont été relatés dans toute la colonie. Plusieurs sites de Roura portent d’ailleurs son nom (la crique Gabriel et la montagne Gabriel).
Voici quelques histoires du marronnage dans la commune de Montsinéry-Tonnégrande :
En 1723, Maongue, ancien esclave de la sucrerie de Montsinéry, devient chef de bande. Il sera tué en 1731 par un autre marron nommé Léveillé avec qui il était entré en rivalité. Petite parenthèse, le nom Léveillé est une famille créole guyanaise très connue et qui vit toujours en Guyane. Fermeture de la parenthèse. Alors, où en étions-nous ? Ah, oui ! Cet événement provoquera la séparation de la bande de marrons en trois groupes : le groupe de Baptiste se dirigera vers Kourou. En 1743, il trouvera la mort et sa tête sera ramenée à Cayenne. Le reste de la troupe rejoindra alors le groupe d’Augustin, qui prendra la direction du haut Tonnégrande. Le dernier groupe, le groupe de Plomb, investira la région Tonnégrande.
En 1748, la troupe du général Préfontaine attaque les camps et provoque la fuite des marrons vers le Sud-Est. Le camp d’Augustin est attaqué en juillet 1753 et à nouveau en novembre de la même année. Cette fois, le chef Augustin décédera au cours de cette attaque.
En 1760, Simon Froissard nègre africain, entre à son tour en résistance. Il devient chef d’un groupe de marrons en fondant le camp « changement ». En 1766, l’action de la compagnie des chasseurs pousse tous les marrons à une lente migration vers la source de la rivière Comté. Après quatre années de calme, la chasse aux marrons reprend. Ceux-ci répliqueront par des représailles sur des habitations. Ces actions resteront quasiment impunies. Mais en 1788, suite aux plaintes des colons, le gouverneur organise d’abord la chasse des marrons. Devant l’inefficacité de ces actions, il envoie ensuite l’abbé Jacquemin, qui contre la promesse de la liberté ramènera un certain nombre d’individus. Les promesses non tenues, les révoltés dupés retourneront dans la forêt.
En 1794, première abolition de l’esclavage, les marrons restent dans leurs camps.
Dès le rétablissement de l’esclavage en 1802, Pompée de nation africaine entre en résistance. Il emporte avec lui, des outils et des armes à feu, volés dans l’habitation de son maître. Il rencontre dans la forêt, Simon Froissard et Charlemagne, deux chefs de bandes de marrons. Ils fondent ainsi, les camps « Bois Fer », « Jolie Terre » et « Trou couleuvre ». Les camps seront attaqués par les troupes de Victor Hugues en 1807. Pendant plusieurs mois, les hommes de Victor Hugues incendieront les abattis et les cases. Même si les marrons feront subir aux troupes de Victor Hugues quelques pertes, ils n’engagent pas vraiment le combat. Plusieurs fois blessé, Simon Froissard sera capturé et sa tête sera exposée à Cayenne.
Charlemagne, Gervais, Cupidon et bien d’autres marrons subiront le même traitement.
Cependant, Pompée et d’autres compagnons arriveront à s’échapper par la branche droite de la rivière Comté, dénommée « Couri Mo ». Au bout d’une vingtaine d’années de marronnage, Pompée est arrêté le 5 août 1822. Il sera condamné à mort, puis gracié, par le roi Louis XVIII.
Le marronnage se poursuivra jusqu’à l’abolition de l’esclavage, le 10 juin 1848 en Guyane.
Note :
Cet article a été rédigé pour mettre en lumière, l’histoire du marronnage en Guyane. Une histoire méconnue, qui est bien souvent confondue avec le marronnage de la colonie hollandaise. Le marronnage en Guyane a bien eu lieu et la colonie de la Guyane était loin d’être calme. Ce petit article est un bref historique du marronnage en Guyane.
Patou
Sources bibliographiques :
Deux siècles d’esclavage en Guyane, 1652-1848, Marchand Thébault et Serge Mam-Lam-Fouck, éditions l’Harmattan.
Esclavage et résistance en Guyane française- Une page de l’histoire de l’esclavage en Guyane française : ses révoltes atlantiques, ses luttes continentales et maritimes – Eugène Épailly
Le grand livre de l’histoire de la Guyane, Volume 1, Des origines à 1848, Bernard Montabo, éditions Orphie, 2004
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