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Interview d'Abou Debeing "Si je n'avais pas fait de musique je serais en prison"

Rédigé par

10.03.2017

Connu pour avoir fait partie du groupe L’Institut et pour graviter dans la sphère Wati B, Abou Debeing a sorti son tout premier album solo en février 2017. Qui est vraiment cet artiste qui cumule déjà près de 15 ans de carrière.
Nous sommes allés à la rencontre d’Abou Debeing qui nous a parlé de ses débuts tout seul, de son album et de la grosse tournée qu’il prépare dans le sillage de Black M.

Blakes : Bonjour Abou Debeing. Peux-tu te présenter pour les lecteurs qui ne te connaissent pas ?

Abou Debeing : Moi c’est Abou Debeing, un artiste signé sous le label Wati B. Ça fait une quinzaine d’années que je fais de la musique et là je sors mon premier album solo.

B : Et pourquoi ce nom ?

AD : Ça vient de l’argot ivoirien. « Debeing » ça veut dire « de France ».

B : Tu as fait tes armes avec la Sexion d’Assaut et tu as 15 ans de carrière, qu’as-tu appris aux côtés de ces rappeurs ?

AD : J’ai surtout appris qu’il faut énormément travailler. Avoir du talent c’est bien, mais avec le travail tu développes autre chose.

B : Et quels sont tes influences, hormis les rappeurs de la Sexion ?

AD : J’écoute de tout. Beaucoup de rap, mais j’écoute vraiment beaucoup de musiques.

B : Tu pars en tournée avec Black M, tu fais la première partie. A quoi le public doit-il s’attendre ?

AD : Un bon show. Je kiffe la scène, y’a beaucoup d’interaction avec le public, je les fais chanter, sauter, crier, pleurer. Il y aura de la bonne folie sur scène.

B: Il y a beaucoup de dates, comment te prépares-tu ?

AD : Je verrais ce que je peux concocter lors des répétitions.

B : Il y a beaucoup de sonorités afro/electro sur ton premier album. C’est un peu la tendance en ce moment avec MHD ou même Singuila qui a carrément tourné son clip en Afrique [Ay Mama, ndlr]. Peux-tu citer 2 ou 3 artistes africains qui t’ont influencé, que tu écoutes ou que tes parents écoutaient ?

AD : J’ai écouté beaucoup de zouglou, de la musique ivoirienne comme Magic System, Les Garagistes, Les Mercenaires, Petit Yodé, L’enfant Siro, Alpha Blondy, Sonbil, Les Salopards. J’ai écouté de la rumba, des artistes zaïrois, Kofi, Papa Wemba, Etat Major. Et maintenant j’écoute énormément de musique nigériane : P Square, Mister Eazi, Wizkid.
A ma sauce, je m’imprègne de ses artistes, j’essaie de mélanger avec le rap.

B : Justement il y a beaucoup de mélanges sur ton album. Entre les titres dansants orientés clubs et les titres avec des textes plus sérieux. Tu parles beaucoup d’argent, de la rue, de la volonté de s’en sortir comme sur le titre « La Guerre » où tu expliques que tu vendais de la drogue. C’est biographique ?

AD : Exactement.

B : Comment expliquerais-tu la transition entre cette vie-là et ta vie de maintenant ? Tu dois ça à ton travail, à la volonté, à quoi d’autre ?

AD : La volonté. En dehors du travail il faut s’accrocher pour passer d’un monde à l’autre. Je me suis accroché, j’y ai cru. On m’a poussé à y croire plutôt. L’entourage a beaucoup joué.

B : Tu peux remercier Barack Adama [voir notre interview, ndlr] justement qui t’as poussé à travailler ta musique pour revenir en solo.

AD : Exactement.

B : Tu le vois comme un mentor ? Quelle place il tient à l’échelle de ta carrière ?

AD : Comme tous les gars de la Sexion d’Assaut ce sont mes « sensei » [maîtres, en japonais, ndlr], c’est eux qui m’ont appris la discipline. Ce sont mes enseignants.

B : Tu es plus jeune qu’eux ?

AD : Oui, ce sont mes grands frères. Je vais avoir 28 ans.

B : Sur ton album il y a pas mal de chansons d’amour (Rien dans les poches, L’étoile filante). Ces temps-ci les rappeurs se changent désormais en lovers. Tu as une vie amoureuse compliquée ?

AD : Non.

B : Mais quelle est ta vision des relations ?

AD : Ça dépend des humeurs. Dans l’amour il y a de tout, tu peux tout voir, tu peux tout vivre. Pour moi c’est pas compliqué du tout. Je me mets dans plusieurs situations, des personnages.

B : Tu les penses comment tes personnages justement ?

AD : Comme si c’était un petit film. Tu racontes une histoire, tu te mets dans la peau d’un personnage. Les histoires sont toutes vraies, mais ça ne me concerne pas tout le temps.

B: Inspirés de faits réels, mais ce ne sont pas histoires ?

AD : Ça dépend. Y’a des titres qui racontent ma vie et d’autres se rapportent à des proches.

B : Et au niveau des clips, tu participes ? Tu en as déjà près de 10, c’est une volonté d’en balancer autant ?

AD : J’aime bien l’image. Surtout qu’au début on ne partait pas sur un album. On partait sur des singles et c’est au bout du 3e clip qu’on s’est dit « bon va falloir trouver une date pour sortir un album ».

B : Mais pourquoi tu n’étais pas chaud au départ pour faire un album ?

AD : J’en sais rien. J’étais pas vraiment enthousiaste. Ça me disait pas, je faisais plus de la musique comme ça. Je sortais mes singles tranquille.

B : T’avais pas une volonté de faire un album ?

AD : Non.

B : Ni de faire carrière ? C’est bizarre, non ?

AD : Je faisais ça pour le kiffe.

B : Donc tu t’es payé le luxe de faire de la musique pour le plaisir sans même penser à un avenir ou une carrière ?

AD : Au début c’était ça. Mais après j’ai vu qu’il y avait de la demande, on m’attendait au tournant. Donc j’ai suivi ce que le public demandait.

B : Et sur tes clips tu t’investis comment ?

AD : La plupart du temps, surtout récemment j’écrit tous les scénarios, tous les synopsis des clips. Notamment sur ceux qui arrivent.

B : En fait tu vas sortir tous les titres en clips. Un peu comme Beyoncé ?

AD : Si je peux je le ferais.

B : Et pourquoi pas après un DVD, un film qui reprendrait les concerts de la tournée et les clips ?

AB : Pourquoi pas. On va noter l’idée que tu viens de nous donner.

B : Et quel est le prochain clip que tu vas sortir ?

AD : On va le tourner demain [le 1er mars, ndlr]. Ce sera « Tombé sur elle » en featuring avec Dadju [du groupe Shin Sekai, ndlr].

B : Et en dehors de la tournée et des clips, quels sont tes projets ? Y a-t-il des choses que tu prépares en sous-marin ?

AD : Je suis vraiment concentré sur la tournée et les clips pour l’instant. Il y aura mon tout premier concert aussi, le 15 avril au Nouveau Casino.

B : Tu as de la concurrence le 15 avril.

AD : Oui il y a le concert de Keblack.

B : Et y’a surtout Admiral T.

AD : Il fait Bercy ? Ça va ? Quand on fait Bercy c’est pas une concurrence. Il est déjà installé, c’est  Admiral T. Dès que la billetterie a été mise en ligne je pense que c’est parti assez rapidement.

B : Et quand tu dis que c’est ton premier concert, tu veux dire ton premier concert en solo, non ?

AD : Oui, j’en ai déjà fait en équipe, en groupe. Je suis parti 2 ans avec Black M, mais là c’est mon premier concert solo.

B : Ça fait quoi d’être tout seul plutôt qu’en groupe ?

AD : Plus de temps de chant, c’est vraiment ça que ça change.Tu as toute l’attention, mais je pense que le kiffe sera le même. Dès que je monte sur scène, je kiffe, je prépare un gros truc.

B : Comme quoi ? Il y aura des guests ?

AD : Déjà les featuring de l’album. A part Keclack, je sais déjà qu’il a un concert le même jour dans sa vile, à Creil. Sinon, il y aura des invités.

B : Vous n’avez pas peur de vous aire de la concurrence quand vous sortez tous en même temps des clips, des singles et des albums ?

AD : Non, il y a de la place pour tout le monde.

B : Et pas de jalousie entre vous ?

AD : Non, que le de la concurrence, mais dans le bon sens du terme. Tout se passe sur Snap, dès qu’un de nous sort un truc ou à un succès, on se félicite.

B : En parlant de Keblack, tu envies son succès, notamment avec le titre Bazardée.

AD : Chacun son histoire. Lui-même ne s’attendait pas à un tel succès. Mais ce que je vois c’est que depuis que les streams sont entrés dans la comptabilisation des ventes d’albums, le rap est vraiment consommé. Il y a une renaissance du rap. On est content. Ça montre que le rap reste la musique du peuple.

B : C’est surtout la musique des jeunes. Fais-tu attention à ton jeune public,à tes textes. Évites-tu certains thèmes ?

AD : Ça dépend juste de mon humeur. Pas d’autocensure. Je ne me prive pas de dire certaines choses parce qu’il y a des plus jeunes qui peuvent entendre. A 11 ans j’écoutais ce que j’avais envie.

B : T’es plutôt soft donc pas de risque de déraper.

AD : Demain si j’ai envie d’être hardcore je le serais. D’ailleurs avec mon ancien groupe [L’institut, ndlr], on était totalement hardocre.

B : Comment expliques-tu ce changement ?

AD : L’évolution, peut-être la lassitude. J’ai fait du rap hardcore et des freestyles toute ma jeunesse, donc ces dernières années j’ai décidé de changer un peu.

B : Et tu préfères quoi finalement ?

AD : Les deux. Peut-être que je changerais à nouveau au prochain projet. Je pense que je vais changer d’ailleurs. Selon l’humeur, je peux entrer en studio et balancer un titre comme ça.

B : Et tu as des artistes avec qui tu aimerais collaborer ? Tu écris pour d’autres également.

AD : Dernièrement j’ai écris pour personne et au niveau des feats j’en ai fait et refait. Pour l’instant rien de prévu.

B : Et le feat de tes rêves ce serait avec qui ?

AD : Nan, je rêve plus, je vais avoir 30 ans. Mais il y a des artistes que je respecte. Un gars comme Wizkid par exemple, je kifferais vraiment .

B : Y’a pas d’âge pour rêver.

AD : Je ne suis pas un rêveur.

B : Tu vis ton rêve pourtant. Sortir un album, partir en tournée, etc.

AD : C’est mon rêve qui m’est tombé dessus.

B : On dirait que tu as vu de la lumière et que tu t’es lancé dans la musique par hasard.

AD : C’est un peu ça oui.

B : C’était pas du tout un rêve de gosse ou un but à atteindre que de devenir artiste ?

AD : Non, non du tout.

B : Tu aurais fait quoi si tu n’avais pas été rappeur ?

AB : Je serais en prison, je pense.

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