BLAKE’S : Pourquoi une pièce sur Billie Holiday ?
Naïsiwon El Aniou : J’ai découvert Billie en 1997 sur le dos d’une jaquette de CD qui parlait brièvement de sa vie, et j’ai plongé ensuite dans ses multiples biographies. À force, j’ai été touchée très intimement par son parcours. J’ai cherché d’abord en tant que danseuse — je l’étais avant d’être comédienne — à faire un travail sur ses chansons comme Sunny Side of the Streets, qui m’a saisi quand j’ai découvert ce à quoi elle correspondait vraiment (la réalité très dure des Noirs-Américains à l’époque) et qui a donné le titre à la pièce.
Plus j’écoutais Billie, plus je m’imprégnais d’elle – à un point de ne plus pouvoir l’entendre sans pleurer.
Ça a été complètement passionnel ! c’est vraiment une part de l’âme. Je vois que le public est touché aussi.
BLAKE’S : J’ai lu que vous vous définissiez comme Afro-Européenne… Pourquoi une Afro-Européenne choisit de faire une pièce sur une Afro-Américaine ?
Naïsiwon El Aniou : Le destin de Billie montre la difficulté qu’a rencontrée toute une génération d’artistes Noirs-Américains qui commençait à émerger comme figures individuelles. Ça a été très dur pour eux, car ils ont payé très cher le fait d’exister en tant qu’individu identifié et admiré, mais vivant hors de la scène dans des conditions très dures. Et cela me rejoint, car j’ai ces difficultés-là d’une autre manière, en tant que métisse.
Mon père est d’origine comorienne et ma mère est franco-espagnole. Mais je suis un petit peu noires pour ceux qui seraient Noirs et un petit peu blanche ceux qui seraient Blancs. Au casting par exemple, on est constamment renvoyés à des archétypes très réducteurs et en ça je me suis reconnue en Billie qui a eu aussi ce problème : trop blanche pour les clubs noirs et trop noirs pour les orchestres blancs.
BLAKE’S : Quel est l’impact que vous recherchez sur le public français ? Vous vous adressez aux connaisseurs de l’artiste ou à un public plus large ?
Naïsiwon El Aniou : La pièce a une dimension presque didactique. Beaucoup ne connaissent pas du tout ni l’histoire de Billie, ni l’histoire des États-Unis à cette époque-là. Je pense que cette pièce à vraiment une place par rapport à ce que nous vivons actuellement : les questions de communautarisme, la mauvaise perception de la nécessité d’être connecté à ses identités et toutes les dérives, les incompréhensions… En parler en France permet de revisiter toutes ces questions qui sont devenues très pesantes, mais par la voix d’un parcours de sensibilité humaine.
Découvrez la deuxième partie de notre interview dans un prochain article…
Billie Holiday Sunny Side
– À la folie Théâtre — 6 rue de la Folie Méricourt 75011 Paris
Les vendredis et samedis à 19 h 30
— En Guyane du 29 mai au 8 juin au village marron et scène conventionnée de Macouria
Plus d’informations : www.sunnyside-billeholiday.com
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