Charleston est une ville fondée il y a plus de 300 ans par des Anglais venus de la Barbade. L’esclavage y est établi dès les premiers temps de la colonie. À l’origine, c’était un port alimentant en esclaves, arrachés à l’Afrique et achetés à haut prix, les grandes plantations. On estime qu’un tiers des esclaves américains passa par son port. Elle fut longtemps la plus grande et la plus riche ville du Sud.
Appelé aussi « Mère Emanuel » par beaucoup de fidèles, l’Emanuel African Methodist Episcopal Church (AME), située au centre-ville de Charleston, a joué un rôle important dans la ville, en tant que lieu spirituel et de rassemblement de ses habitants noirs, devenue un modèle pour la communauté noire dans tout le pays. Vieille de près de 200 ans, il s’agit de la plus vieille église épiscopale méthodiste africaine du Sud des États-Unis. Elle a été bâtie au 18è siècle, quand des esclaves et hommes libres noirs, victimes de l’oppression et de la ségrégation, ont commencé à s’y rassembler pour prier entre eux. Plusieurs dizaines de ces églises ont été fondées dès 1813 par des Noirs en réaction aux églises méthodistes blanches qui refusaient de les accueillir durant leur culte.
L’Eglise Emmanuel a été fondée par Richard Allen, fondateur aussi de la Free African Society qui participait aux réseaux secrets permettant aux esclaves en fuite de gagner les Etats abolitionnistes du nord. En 1816, Allen fonde l’African Methodist Episcopal Church, qui réunit plusieurs congrégations à travers le pays, dont l’église de Charleston. Elle est l’une des plus grandes et anciennes congrégations AME du pays. Aujourd’hui, malgré l’ouverture des autres églises chrétiennes aux fidèles noirs, elle reste une paroisse essentiellement fréquentée par des Noirs.
Avant la guerre de Sécession, les autorités de la ville l’ont fermée à 2 fois sous prétexte de violations de lois, qui régissaient les rassemblements d’esclaves. En 1822 « Mère Emanuel » fut accusée d’avoir voulu pousser des esclaves à se révolter. Denmark Vesey un ancien esclave qui avait acheté sa liberté, membre fondateur de l’église, avait prévu avec d’autres de tuer des propriétaires blancs de la ville pour libérer les esclaves et les envoyer par bateau en Haïti. Mais le complot a été déjoué et les conspirateurs ont été pendus. Après ces évènements l’église a été brûlée par le mouvement raciste, Suprématie blanche et une série de lois restrictives à l’encontre des Noirs fut votée par la ville.
Quelques années plus tard, le bâtiment a été reconstruit par les paroissiens, mais de 1834 à 1865, les églises noires étant interdites à Charleston, la congrégation dût se réunir en secret au sous-sol jusqu’après la fin de la Guerre civile en 1865. C’est cette année qu’elle a été officiellement reconnue et prit le nom de « Emmanuel » dont l’étymologie veut dire « Dieu est avec Nous ».
Pendant la guerre civile, Emanuel est même devenue l’une des organisations politiques les plus importantes de l’État. En 1886 elle est de nouveau détruite par un tremblement de terre puis restaurée sous sa forme néogothique actuelle.
À la lutte contre l’esclavage s’est substituée celle pour les droits civiques. Située dans le quartier historique de Charleston, l’église Emmanuel devient un lieu très visité et un passage obligatoire pour tous les militants des droits civiques. Elle accueille en 1909 Booker T Washington, enseignant, écrivain née esclave et militant emblématique pour les droits des Afro-Américains ; en 1962 Martin Luther King qui y organisait des réunions et y invitait les fidèles à voter, puis Roy Wilkins, pilier de la National Association for the Advancement of Colored People (association nationale pour la promotion des gens de couleur).
Cette église a été « fondée par des Noirs qui cherchaient la liberté », a rappelé M. Obama. « C’est une église qui a été réduite en cendres parce que ses fidèles essayaient de sortir de l’esclavage ».
Plus d’infos (en anglais) sur : http://www.emanuelamechurch.org/
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