Figure historique des rebellions guadeloupéenne, la Mulâtresse Solitude incarne toutes les femmes et les mères anonymes des Caraïbes qui se sont battues avec détermination en faveur de la liberté et d’égalité dans un contexte d’esclavage. Le peu que l’on sait d’elle provient d’un ouvrage rédigé au milieu du 19e siècle.
Née vers 1772, Rosalie est le fruit du viol que sa mère a subit d’un marin sur le bateau qui l’emmenait d’Afrique en Guadeloupe. Fille d’esclave elle est surnommée la Mulâtresse à cause de sa peau claire. A son adolescence, en 1794 lors de la première abolition de l’esclavage elle rejoint la communauté marronne retranchée dans les mornes de Goyave. Malgré sa couleur, elle réussit à s’intégrer et prend le nom de Solitude.
Mai 1802, 8 ans après la première abolition, sensibilisée aux problèmes de l’économie sucrière par son épouse Joséphine de Beauharnais, fille de colons martiniquais et traumatisé par l’exemple du général haïtien Toussaint Louverture qui en1800 pris le contrôle de Saint-Domingue, Napoléon Bonaparte envoie le général Richepance en Guadeloupe à la tête de 3 500 hommes pour l’esclavage.
Mais une rébellion des bataillons noirs, ainsi que d’une partie de la population et de nègres-marrons est menée par Joseph Ignace, ancien charpentier devenu officier du premier Bataillon de la colonie, et son compagnon de lutte martiniquais, Louis Delgrès, révoltés par le revirement de l’État français sur l’abolition.
Aux côtés des hommes, de nombreuses femmes se battent, transportent les munitions, soignent les blessés… Figure féminine de cette insurrection, Solitude, enceinte de quelques mois de son compagnon, un Nègre marron qui se bat comme elle rejoint le combat.
Après 18 jours d’un combat inégal, acculés par l’ennemi, Delgres et ses troupes se retranchent dans la maison Danglemont au Matouba et minent la demeure dans un ultime sacrifice préférant « La mort plutôt que l’esclavage ! ». Le 28 mai, la maison où sont retranchés entre 300 et 500 hommes, explose à l’approche des soldats de Richepance, entrainant leur propre mort, mais aussi celles de quelques ennemis.
Survivante de la bataille, Solitude assiste aux morts héroïques d’Ignace et de Delgrès et de leurs hommes. Mais en route pour rejoindre le reste de la résistance, elle est capturée et emprisonnée. Elle aurait dû être exécutée, mais les colons, qui la caricaturaient en la présentant comme folle, attendent son accouchement pour « rapporter 2 bras de plus à une plantation » et ensuite la supplicier. Elle est exécutée par pendaison le lendemain de son accouchement le 29 novembre de la même année. Elle a trente ans.
En hommage à cette figure de résistance trône une statue de Solitude depuis 1999 au carrefour giratoire de la Croix, aux Abymes en Guadeloupe. En 2007, la ville de Bagneux, en région parisienne, jumelée avec la ville de Grand-Bourg (Marie-Galante) a édifié un autre monument en sa mémoire et en « hommage et reconnaissance aux victimes et aux résistants de la traite négrière et de l’esclavage ».
Enfin en 2014, à l’initiative d’une sénatrice, une statue de la mulâtresse est installée au Sénat au côté de 2 autres femmes révolutionnaires. Elle se retrouve placée au-dessus du siège de Victor Schœlcher, qui fit voter l’abolition définitive de l’esclavage le 27 avril 1848.
+Définitions :
Mulâtre, mulâtresse : né d’un Noir et d’une Blanche, ou d’un Blanc et d’une Noire.
Potomitan* : est une expression antillaise qui désigne le « soutien familial », généralement la mère « courage », de famille, qui supporte tel un pilier les fondements de son foyer.
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