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Les contes créoles, par Benzo le conteur

Rédigé par

12.11.2015

Blake’s : Quelle est l’origine des contes ?
Benzo : Les contes créoles sont nés dans les habitations coloniales. Ils ont plusieurs origines : Africaines, car les esclaves africains sont arrivés ici avec leurs contes. Il y a aussi les contes amérindiens, qui étaient les premiers habitants des iles, et il y a les contes d’origines européennes quand les gens ont entendu racontés par les colons. Tous inspirés les uns des autres, tropicalisés, et transmis de manière orale ils ont donnés les contes créoles traditionnels que nous connaissons.
Concernant les contes d’Afrique, je suis allé en Afrique, en Cote d’Ivoire, Congo, etc. et j’ai pu constater que les personnages, les noms de personnages ou les lieux ont été changés. Les contes ont été adaptés. Il n’y a pas d’aigles ici, donc on a pris d’autres oiseaux… Par exemple en Afrique c’est le lièvre et chez nous c’est le lapin. Pour « Zamba », qui veut dire Éléphant dans la langue kikongo, les gens croyaient que c’était un âne. C’est pourquoi j’ai donc créé le personnage de Compère Zamba, un personnage qui ressemble à un éléphant. Et il y a les contes créés récemment.
Blake’s : Tu crées de nouveaux contes ?
Benzo : 80 % des contes que je raconte sont anciens, mais en en reprenant certains, j’en ai créé plus d’une vingtaine. J’ai eu la chance d’avoir été élevé à la campagne, dans une famille où il y avait 3 conteurs d’histoires transmises de génération en génération et j’ai fréquenté le conteur du quartier, dont le père était aussi un conteur. Au moins 1 heure par jour pendant mes quinze premières années je le fréquentais. C’était ma source d’inspiration, mon initiation. J’ai plus d’une vingtaine de contes de Compères Lapin et j’ai plus de 130 contes dans mon répertoire.
Blake’s : Quels sont les contes les plus anciens ? Les plus célèbres aussi ?
Benzo : Les contes de Ti-Jean, Compère Lapin, les contes de Compère Zamba, les contes animaliers de Compère Tigre, Compère Maquaque, etc. il y a des contes très longs 30-40 minutes, à épisode on peut dire. Je fais la différence entre les contes et les légendes, parce que nous avons aussi nos légendes de diables, diablesses aussi, Manman Dlo, etc.
compère lapin
Blake’s : Qui sont les personnages des contes ?
Benzo : La particularité de ces contes est que les personnages sont souvent des animaux qui ont le don de la parole et sont souvent très intelligents dans les anciens contes, ils étaient un acte de résistance par rapport avec la société esclavagiste.
Le personnage de Compère Lapin représente la débrouillardise, l’espièglerie, celui de Ti-Jean (Petit Jean) représente l’innocence, la faiblesse, mais aussi la malice, et celui de Zamba, d’éléphant, symbolise l’esclave des les champs de canne.
Blake’s : dans quel contexte racontait-on les contes ?
Benzo : c’était le soir, à la tombée de la nuit. Durant l’esclavage, le maitre laissait les esclaves se réunir et l’assemblée répondait au « Yééé-Krik ? » du conteur un « Yéé-Krak qui signifiait que l’histoire allait commencer. Les adultes, les mères, les grands-mères les racontaient aux enfants. On s’asseyait sous un arbre, sur les marches, devant d’une vieille case, devant les maisons. Ils étaient aussi racontés durant certains évènement comme les veillées funèbres. Mais la journée, ils refusaient de raconter, car ils étaient occupés et ils disaient : “Si an raconté’y la jouné an pé touné an boutè’y ! ” (si je raconte toute la journée, je risque de me transformer en bouteille ! — parce que souvent durant les veillées les gens buvaient !)
Dans les années 30, l’anthropologue Clews Parsons est passée dans toutes les Antilles et y a repertorié plus de 800 contes qu’elle a recueillie en Guadeloupe, Martinique, Haïti, Saint Kitts, Trinidad, les Saintes, la Désirade… des plus grandes aux plus petites iles. Elle a fait retranscrire de façon authentique chaque conte, ce que chaque conteur a dit tel quel. Et elle s’est rendu compte qu’en fonction des intervenants il y avait des fins différentes. Par exemple, qu’il y avait 14 versions de compère Lapin ! parfois quand le conteur ne se rappelait pas ou ne connaissait pas la fin, il en inventait une autre. C’est pourquoi il y a beaucoup de versions différentes de contes.
Blake’s : Quel était le rôle social du conte ?
Benzo : Durant l’esclavage le conte était pour les esclaves un moment de distraction, mais aussi un moment de répit, et comme la musique et la danse, une manière de s’exprimer. Il jouait un rôle au niveau de l’éducation, son but étant de divertir tout en faisant passer un message. Il y a toujours une morale dans les contes et ils empêchaient l’enfant de mal se conduire. À la fin des contes antillais il y a toujours une morale à la fin, celui qui a désobéi, qui a volé est sanctionné. Moi-même en temps qu’enseignant dans les années 70, j’utilisais les contes avec les plus jeunes pour la leçon de morale du jour et ils écoutaient attentivement ! Cela a marqué des enfants générations d’enfants si bien que jusqu’à maintenant je croise d’anciens élèves qui me disent encore se rappeler de ça et qui me disent merci !
Retrouvez les contes de Benzo en image sur sa page YouTube : https://www.youtube.com/user/benzoleconteur

Illustration du conte Ti-Jean et la diabless

Illustration du conte Ti-Jean et la diablesse

L'Histoire du créole

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