Tu as sorti un double album. Le premier volet (Soleil) est fidèle au zouk musique sur laquelle tu as bâti ta carrière. Le second (Lune) consacre la musique soul-jazzy pop qui fait aussi partie de toi mais jusque–là pas totalement exprimée. Pourquoi ce concept de double album ? Comment t’es venue cette idée ?
TSV : Alors Soul Jazzy… Je n’ai pas trouvé d’appellation particulière pour ce produit… Je pense plus que c’est un produit caribéen mais qui n’est pas typé zouk. Il faut vraiment que l’on se rende compte que dans la Caraïbes on a plusieurs formes de musicalité… Tout a été repris au travers des rythmes soit de la Guadeloupe soit de Haïti. Par exemple « assis dans le Noir » La rythmique c’est du rara haïtien. On a pour certains titres soit du Kaladja, soit du Toumblack, soit autre chose. Ce sont des rythmes de chez nous mais que l’on utilise pas souvent, qui ne sont pas zouk, mais qui ont été revus et autours on a bâti une musicalité un peu plus large, plus caribéenne, avec des influences plutôt jazzy ou pop créole ou nu soul créole…Je ne sais pas !
Ce qui fait la particularité de cette seconde partie, c’est que les textes choisis sont de qualité et n’évoquent pas que l’amour, même si l’Amour pour moi est un sujet important. Mais il y a d’autres sujets qui sont très importants comme : les migrants ou comment s’approprier la planète et la laisser telle qu’on souhaiterait la trouver pour nos enfants… Donc il a des choses qui sont plus sérieusement dites… Je voulais donner une couleur Jazz, mais je voulais quelque chose qui soit plus caribéen, qui me ressemble aujourd’hui et qui me permet aussi d’évoquer des sujets plus cohérents.
Que représentent ces 2 astres pour toi ? Il y a très longtemps, je lisais une histoire d’amour avec un grand A et dans laquelle on disait que le soleil et la lune sont de belles lumières naturelles qui viennent éclairer tout l’univers, l’univers autour de la planète… Du coup je le suis dit Zouk avec le Soleil et une Tanya autrement avec la Lune. Une lumière différente…
Etait-ce une frustration de ne pas encore avoir pleinement exprimé cet aspect de ta personnalité? Ce côté Lune ? Oui c’est clair car il existe depuis très longtemps, depuis même avant le Zouk. Quand j’étais petite j’allais écouter des groupes de jazz, j’ai vu de nombreux concerts de Manu Dibango, j’écoutais des disques dans le magasin que tenait ma mère à l’époque à la rue Nosière, anciennement magasin de Jazz, blues, Gospel… J’ai vu et écouté beaucoup de musique, j’ai été très influencée par Féla Kuti et du coup j’avais ça en moi.
Quand le zouk est sorti aux Antilles, de manière très naturelle je suis rentrée dans cette voie là mais au fond de moi il y avait cet appel. Sur tous mes albums de zouk il y a toujours un titre un peu acoustique avec cette couleur. Mais là je me suis dit qu’il fallait vraiment que cette partie de moi soit explorée. Aujourd’hui c’est une première belle tentative.
T’ennuyais–tu ou éprouvais–tu des difficultés à créer dans le zouk après 30 ans de carrière ? Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Peut-être que je n’avais pas assez la maturité, peut-être le fait d’être Antillaise et d’être entourée dans un circuit de zouk, qui n’est pas porteur de ce genre de produit. Mais l’important pour moi c’est de l’avoir fait.
Il y a encore plein de choses à apprendre mais je suis prête à refaire le travail. Je suis très contente de faire du zouk mais dans mes concerts je suis très contente aussi quand je peux faire un morceau piano voix, j’ai envie de ça ! Et je me rends compte que ça me parle, que j’ai la maturité pour explorer davantage cet univers musical.
19 albums, c’est une discographie énorme… Quel est l’album ou quels sont les albums qui font ressurgir la plus grande vague d’émotion en toi. Et pourquoi ? Tous mes premiers albums ont été très bien et ont été des albums de références. Les femmes à l’époque démarraient dans la musique, on était pas nombreuses : Jocelyne Beroard, Marie-José Alie… Donc ceux-là sont privilégiées. (rires!) Mais ensuite, je crois que j’ai beaucoup aimé l’album Améthyste parce que ça a été un album avec un courant musical très moderne avec des sons métalliques. J’ai aimé l’équipe, le travail et les compositions m’ont beaucoup parlé. Mi c’est un album complètement différent, parce que c’est un album que j’ai fait dans un contexte où j’avais vraiment les moyens de faire un bel album avec des choses importantes… L’autre qui m’a beaucoup touché c’est l’album Soleil, parce que c’est ma rencontre avec Ali (Angel), c’est ma première production personnelle, je me suis vraiment éclatée sur cet album aussi.
Y-a–t-il des émotions, des thèmes plus faciles à exprimer, à aborder avec l’un ou l’autre de ces genres musicaux ? Que dégages tu dans l’un que tu ne dégages pas dans l’autre ? J’ai l’impression qu’aujourd’hui aller en boite et danser du zouk love c’est le plus important. Que l’on puisse parler de politique ça fait plaisir à personne et c’est là le problème. Il y a eu un temps dans le zouk des années 80 où on délivrait vraiment des messages et aujourd’hui on a le sentiment qu’avec le zouk on ne peut plus délivrer de vrais messages. Des gens me disent que de part mon parcours je peux oser le faire, ce que j’essaye mais c’est loin d’être évident. En tout cas c’est important pour moi aujourd’hui de faire cet autre genre musical parce que ça me permet de traiter des sujets qui sont probablement plus importants à mes yeux, parce que je suis une femme, maman, sensible à tout ce qui se passe autour de moi…
Ta mère était disquaire, ton père était aussi artiste, mais lui avait décidé de ne pas se donner entièrement à la musique pour privilégier sa vie de famille. Toi tu as fait plutôt le choix inverse : de plus consacrer ta vie à ta carrière. En tant que femme en –as-tu souffert ? Non pas vraiment. Je pense que quand je suis tombée dans ce métier je ne m’y attendais pas vraiment. Le regard des autres ne m’a pas gênée non plus parce que je suis une fonceuse, une femme de conviction. Je peux douter beaucoup mais quand je suis convaincue de quelque chose, tête baissée j’y vais! Quand je me suis lancée, je savais que j’allais rencontrer des difficultés dans ma vie sentimentale ou autre, mais j’ai su assumer ce métier en tant que femme, j’ai pu le faire et quelques années beaucoup plus tard j’ai pu construire une vie de famille. Je pense aujourd’hui que l’on peut être chanteur et avoir aussi une vie de famille. Je n’ai pas de regrets et au contraire s’il fallait le refaire… Ça m’a apporté beaucoup de choses, j’ai un regard différent sur le fait que ce soit une belle profession mais au départ quand tu es gamine les idées ne sont pas forcément en place !
Aurais tu pu échapper à ton destin de chanteuse? As–tu déjà été attirée par une autre voie ? La destinée est telle qu’elle est, je ne sais pas ce que j’aurais pu être. Je pense que j’aurai pu aider, soutenir les gens… Assistante sociale, infirmière.. Je ne sais pas… J’aime aider les gens et je fais aussi ce métier pour ça, par que me montrer !
Tu as déjà donné des concerts et prestations présentant l’album. Commet le public réagit ? Oui c’était au café de la danse à Paris et le public a très bien réagi. J’ai été assez surprise mais le public a suivi. Je crois que les gens qui m’aiment vraiment, qui ont détecté la femme que je suis, ma sensibilité, ils ne sont peut-être pas très nombreux, mais ils sont comme moi ils sont ouverts ! La particularité de mon public est qu’il est de qualité, il m’a comprise, il m’a soutenue, il est encore là. On est en train de préparer tout le monde à cette transition musicale.
On te présente souvent comme une diva du zouk ou comme une grande dame du zouk. Es–tu flattée ou parfois lassée de l’entendre ? Les deux parce que Divas du zouk oui, mais c’est aussi réducteur. La fierté qu’on avait de représenter ou d’être un artiste de zouk était très valorisante parce que nous étions quelques femmes, qu’on avait des choses importantes à dire, on partageait, même si j’étais jeune et que je le disais de manière difficile. Aujourd’hui le zouk est quand même assez galvaudé, tout le monde en fait, beaucoup, il a suivi mutation sur mutation et aujourd’hui on a vraiment l’impression que c’est de la musique facile. Par nécessité il faudrait que j’accepte d’être une diva du zouk, mais bon…
Si toi tu devais trouver une autre formule pour te présenter quelle serait-elle? Chanteuse, musicienne et puis je fais surtout partie de la diaspora. De vouloir séparer les choses on les cloisonne complètement! Quand on regarde depuis qu’est née la fm ce à quoi on assiste : tout est devenu très communautaire et du coup il n’y a plus de partage avec les autres. Par exemple ma musique qui est dans la catégorie zouk doit être passée dans les radios de zouk… difficile d’ouvrir après avec le reste…
Merci Tanya Bon Grand Méchant Zouk et bon courage pour la suite!
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