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Phyllisia Ross : "Mon album devrait sortir cet été"

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5.04.2017

Suite et fin de notre entretien en mars dernier avec la chanteuse américaine Phyllisia Ross. Si chanteuse d’origine haïtienne nous a dévoilé ses secrets beauté et son attachement à Haïti, elle nous a aussi parlé musique et de son premier album bientôt dans les bacs.

Blakes : Peux-tu nous parler de ton nouveau clip Can’t Resist ? Il y a plusieurs interprétations, aussi bien une esclave en fuite que ta propre version de La Belle et la Bête. Qu’as-tu voulu exprimer ?

Phyllisia Ross : C’était génial pour moi de pouvoir jouer la comédie. On peut y voir une esclave en fuite, mais à la base je voulais montrer quelqu’un en panique qui est sauvée par quelqu’un que l’on pourrait prendre pour une personne mauvaise. Mais qui en fait est une bonne personne. On juge souvent mal les gens. Et comme le film La Belle et la Bête sort bientôt [il est sorti le 22 mars, ndlr], on trouvait sympa l’idée d’une adaptation avec une Belle noire, une princesse noire. Ce conte de fées peut parler aux Noirs, aux Caribéens, aux Africains, à la diaspora noire en général.

B : Tu crois aux contes de fées ?

PR : J’y crois, oui, mais je pense que tu dois créer ton propre conte de fées avec une quantité de travail astronomique. J’ai appris que le conte de fées s’obtient par du travail, des moments durs. Donc oui j’y crois, mais je ne suis pas naïve. Faire ce que j’aime et en vivre, c’est un conte de fées.

B : Tu viens souvent en France. Qu’est-ce que tu aimes dans notre pays ? Quel est ton endroit préféré ?

PR: J’aime l’architecture, la beauté de la France. La France est aussi un bon point de départ pour se rendre en Amérique, dans les autres pays européens, en Afrique. C’est assez central. J’aime aussi le brassage culturel avec des Africains, des Européens, une touche de culture américaine, asiatique, j’aime ce gros melting pot qui me fait penser à New York. Clairement j’aime le vin, la musique, il y a beaucoup de choses que j’aime au sujet de la France.

B : Tu as fait un duo avec Marvin il y a quelques années. Il y a-t-il d’autres artistes français avec lesquels tu aimerais travailler ?

PR : Oui. Je ne peux pas citer de nom, ce qui m’intéresse ce sont les bonnes vibes, la connexion avec les gens. Par exemple, j’ai fait Can’t Resist suit à une rencontre, on a eu un bon feeling et on a fait la chanson. J’aime que les choses soient spontanées. Je ne pense pas à une collaboration en regardant la popularité sur les réseaux. J’aime rencontrer les gens, voir si nos esprits et nos énergies matchent. Français, caribéens, africains, tous ces artistes m’intéressent. J’aime mélanger les musiques et les cultures.

B : A quoi faut-il s’attendre sur ton premier album ?

P : Un mélange de world music avec une base de soul et de r’n’b. C’est ma base. En tant que Haïtienne-Américaine on peut entre des influences soul, jazz, r’n’b, kompa, zouk. Ma mère jouait tous les genres de musique, dans toutes les langues, mon album sera donc un gros mix de tout ça. Ça sera un album très musical.

B : Il sort quand ?

P : Il devrait sortir cet été. Peut-être le 27 juin. On est en train de le finir.

B : Et comment as-tu travaillé dessus ? Tu t’es impliquée à tous les niveaux de sa réalisation ?

P : J’ai mis ma touche dans toutes les étapes de ce projet. Du choix des vêtements pour le livret, à l’écriture des chansons en passant par la production sans oublier les clips et la production exécutive. Le management, la comptabilité, je m’occupe de la moindre partie de mon business, ce qui me rend parfois dingue, mais ça me fait apprécier encore plus le travail de mon équipe. De voir où on en est arrivé avec l’aide de mes fans, mon équipe, ma famille et Dieu bien sûr.
J’envisage de m’impliquer encore plus et d’aider d’autres artistes à comprendre les bases du métier. A utiliser les réseaux sociaux pour partager leur musique avec le plus grand nombre.

B : Donc tu aimerais aider d’autres jeunes artistes à percer ?

P : Tout à fait.

B : Tu t’imagines dans une émission comme The Voice ou X Factor ?

P : J’adorerais. Car je trouve que ce qu’il y a de triste dans l’industrie musicale c’est que des gens essaient de cacher qu’ils ne sont pas de vrais musiciens. Je suis fière d’avoir un bagage artistique et une histoire musicale, même si je ne m’en vante pas. Je ne suis pas là que pour les likes sur Instagram. Je joue du piano depuis l’âge de 3 ans, je chante depuis que j’en ai 5, j’écris des chansons depuis le lycée. J’ai consacré ma vie entière à la musique et je veux vraiment représenter les vrais artistes passionnés. Les aider avec des conseils et en leur montrant de la sincérité.

B : Est-ce que tu participes à la réalisation de tes clips ?

P : Pas dans la réalisation en elle-même, mais dans l’organisation et les idées oui, par exemple pour les tenues. Et je communique beaucoup avec le réalisateur sur l’image que je veux renvoyer. Je gère vraiment la partie artistique.

B : Tu aimerais jouer, être actrice ?

P : Je suis une personne vivante et j’ai beaucoup d’émotions en moi. C’est bien d’avoir plusieurs manières de les exprimer. J’utilise la mode et la musique, mais je veux aller un cran au-dessus. Avec des oeuvres de charité, la comédie, aider les autres. J’ai joué la comédie par le passé, notamment en 3 et 10 ans puis le piano a pris le dessus.
Je me suis dépassée dans le clip Can’t Resist où je joue sans maquillage, très nature au début du clip.

B : Tu as commencé le piano à 3 ans. Comment as-tu convaincu tes parents que c’est ce que tu voulais faire ?

P : J’ai vraiment la chance d’avoir eu des parents qui nous poussaient vers ce que l’on voulait faire. Je me souviens d’avoir vu un piano chez des voisins et d’avoir été captivée. Mes parents m’ont ensuite inscrite une fois par semaine à 3 ans, puis 4 fois par semaine à 5 ans. Puis j’ai fait un spectacle à 6 ans qui a scotché ma mère. J’ai montré très tôt que j’étais faite pour ça. J’ai eu de la chance que mes parents me poussent vers ce que j’aime et continuent de le faire.

B : Ils sont une grande partie de ton accomplissement ?

P : Je n’en serais pas là sans eux. Ils m’ont accompagné dans les pires moments comme les meilleurs. Mais je suis toujours la même Phyllisia.

B : Donc ils te canalisent quand tu te prends pour Beyonce ?

P : Je ne suis pas comme ça, jamais. Je suis comme un comptable qui se lève le matin et fait des calculs, sauf que moi je chante. C’est mon métier.

B : Qu’est-ce que tu n’aimes pas dans ton travail ?

P : Beaucoup de choses. Principalement le fait que beaucoup de gens ne percent pas. Je ne parle pas de moi, mais ce métier peut briser des gens et ça m’attriste. J’essaie de continuer à donner de l’espoir et de l’inspiration aux gens. Même si on a tout pour réussir, ça ne veut pas dire qu’on y arrivera et je n’aime pas ça. J’aime pas les idées reçues sur ce métier, que les gens pensent que c’est tout rose alors que ça ne l’est pas. Que des gens se croient au-dessus parce qu’ils ont des fans. Ce n’est pas mon métier que je n’aime pas, mais l’idée que les gens s’en font.

B : C’est parce que tu sais que c’est un métier difficile que tu as continué tes études et obtenu un diplôme ?

P : Oui, je voulais un plan B. J’ai toujours cru en moi, mais à l’époque je ne voulais pas prendre de risque. Même en chantant et en faisant des concerts, j’ai continué à étudier. J’ai fait mon planning de manière à pouvoir partir en tournée du vendredi au lundi. C’était très dur, mais ça m’a donné de la rigueur et une vision réaliste du métier.

B : Tu fais souvent des concerts en France, que peux-tu dire du public français ?

P : J’aime la variété du public, le fait de retrouver la diaspora de Guadeloupe, Martinique, Cameroun, Sénégal, Côte d’Ivoire, Mozambique, Algérie. Je voyage depuis la France, un peu comme à New York. J’aime aussi la connexion que j’ai avec la France. J’ai tourné avec Jah Cure et c’est le premier endroit où j’ai tourné et où j’ai fait une grosse scène, le Zénith. Je pense qu’il y a un truc dans ce que je dégage qui plait au public français. Et j’aime le swag et la classe du public français.
La France est le berceau de la culture et si on m’aime ici on m’aimera n’importe où ailleurs. Comme à New York.

B : Quel est le gros pays où tu te rends après la France ?

P : Les Etats-Unis [rires]. La tournée passe par Los Angeles, New Jersey, New York en mars. Au printemps on fera Philadelphie, Boston, Miami, Guadeloupe, Martinique, et ainsi le Canada, Saint Kitts et Nevis, Saint Martin.

B : Beaucoup d’artistes n’aiment pas parler politique, mais peux-tu dire quelques mots sur ce qui se passe aux Etats-Unis ?

PR : Je déteste Donald Trump. Je déteste le fait qu’on ait un raciste conservateur en guise de président. Le monde dévoile son racisme, il ne faut pas avoir peur d’en parler et de prendre position. C’est une bonne période pour s’exprimer. Et je pense que ce n’est pas pour rien que je voyage autant en dehors des Etats-Unis, je fuis la triste réalité de mon pays. Et en même temps je montre que leur vision des choses ne m’empêchera pas de faire ce dont j’ai envie. J’essaie d’utiliser la musique pour apporter de la positivité, un moment d’évasion.

B : Si tu n’avais pas été chanteuse quel métier aurais-tu exercé ?

PR : J’aurais été médecin. J’aime aider les autres, être aux commandes et trouver des solutions. Je fonce et je ne recule jamais, c’est mon caractère et je pense que c’est ce qu’il faut pour être médecin. Et aussi pour faire mon métier de chanteuse.

B : Quel a été ton plus grand défi en tant qu’artiste ?

PR : Garder une constante, un équilibre entre les hauts et les bas. Les moments où j’étais au fond du trou et les moments plus glorieux. Rester constante quelle que soit la situation, c’est ce qu’il y a de plus dur. Ne jamais avoir lâché l’affaire. Ce qui est triste dans ce métier c’est de voir tant de personnes abandonner parce qu’elle ne percent pas. Et puis il faut avoir les épaules pour supporter la critique. Si on est solide et concentré, si on a confiance en soit et qu’on croit en ce qu’on fait, on a tout gagné, mais c’est très dur de s’y tenir.

B : Quelle est ta technique pour garder toujours les idées claires et ta positivité. Est-ce que le sport par exemple est un exutoire ?

PR : J’aimerais faire plus de sport. Je suis une coureuse, mais avec ma tournée j’ai totalement laissé tomber ma routine. C’est ce qui me pèse le plus en ce moment. Mais pour maintenir le cap j’ai des pensées positives et sur scène je reste la même que ce soit devant un public de 2 ou 10 000 personnes.

B : Garder cet état d’esprit demande des efforts, non ?

PR : Bien sûr, je ne repose jamais sur mes lauriers. Et même quand tout le monde me félicite et me fait des compliments, je me dis « Phyllisia, c’est bien, mais garde les pieds sur terre, que tu sois acclamée ou que ton téléphone arrête de sonner« . J’ai acquis cet état d’esprit après mon gros passage à vide de 2012. Je n’arrivais plus à monter sur scène à cause de gros problèmes personnels, j’ai une personne dont j’étais extrêmement proche. J’ai perdu beaucoup d’estime. Et j’ai dû me convaincre que j’étais la même et que j’avais les ressources pour reprendre ma vie en main.

B : Dernière question très personnelle Phyllisia, quel âge as-tu ?

PR : Je ne donne pas mon âge, mais je ne le cache pas non plus et j’en n’ai pas honte. Mais dans le monde de la musique, on te complexe facilement. Si on me le demande, je le dis. J’ai 29 ans et je n’ai pas honte de mon âge. Je dis toujours le vrai chiffre.
A une époque, on me culpabilisait, quand j’avais 25 ans et que je galérais, on me disait que c’était trop tard pour lancer ma carrière. Mais je suis dans le business depuis que j’ai 16 ans, j’ai signé mon premier contrat à 16 ans, je suis dans le game depuis longtemps. Il y a eu des hauts et des bas. Je suis la même qu’à 16 ans, je suis juste une meilleure chanteuse. Plus sage, plus éclairée.

B : Être une femme complique les choses ?

PR : Carrément ! Mais pour moi ce n’est pas un problème, je ne me laisse pas influencer et je choisis avec qui je veux travailler. J’ai grandi et je n’ai pas honte de mon image, si vous voulez pensez que je suis sexy pas de souci. Mais ce qui compte c’est mon travail et ça reste du divertissement.
Ma mère me demande toujours pourquoi je cache mon sex appeal, car plus jeune je me cachais. Mais elle me dit « être sexy n’est pas un crime, arrête de te cacher à cause des gens, ne t’occupe pas d’eux« . J’essaie de continuer sur ma voie.

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