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Nina Simone, la grande prêtresse de la soul

Rédigé par

30.06.2015

En pleine ségrégation du Sud des Etats-Unis, en 1933, Eunice Kathleen Waymon est née en Caroline du Nord, sixième enfant d’une fratrie de 8, dans une famille pauvre, protestante très pratiquante et pieuse. Elle montre dès l’âge de 3 ans de grandes facilités pour le piano et le chant qu’elle pratique à l’église.
À 8 ans, son don est remarqué par l’employeuse de sa mère qui lui conseille d’encourager ses dispositions et propose de payer ses cours de piano. Elle la présente à « Miss Mazzy », qui sera comme sa seconde mère (la mère blanche). Pendant 6 ans, la jeune Eunice travaille durement dans l’objectif de devenir la « première concertiste classique noire en Amérique ».

Elle donne son premier concert, un récital classique, à 12 ans.

Ses parents, qui avaient pris place au premier rang, ont dû se déplacer à l’arrière de la salle pour faire place à des Blancs. Elle aurait refusé de jouer jusqu’à ce qu’ils aient repris leur place ; cet incident ayant contribué plus tard à son implication dans le mouvement pour les droits civiques. C’est à cet âge que Miss Mazzy annonce qu’Eunice n’a plus rien à apprendre d’elle et l’oriente vers le lycée Allen, un pensionnat de jeunes filles où elle rentre en septembre 1945 et sort major de sa promotion en juin 1950. Elle vise l’Institut Curtis, un prestigieux institut de musique de Philadelphie pour lequel une préparation à la Juilliard School of Music de New York, est nécessaire pour passer le concours d’entrée.
Eunice s’installe à New York pour étudier et se préparer à l’épreuve. Elle est la seule élève noire de sa promotion et n’est pas reçue à cause de cela. C’est à ce moment que son parcours musical change de direction. Très déçue, elle trouve un emploi chez un photographe à Philadelphie et suit des cours avec Vladimir Sokhaloff qui aurait dû être son professeur à l’Institut Curtis.

Pour financer ses leçons elle joue du piano au Midtown Bar & Grill à Atlantic City, mais le propriétaire l’oblige à chanter également, menaçant de la renvoyer si elle refuse.

C’est là en 1954 qu’elle choisit le nom de scène « Nina Simone » pour cacher son activité à ses parents fervents méthodistes, Nina, signifiant « petite fille » en espagnol, surnom que lui avait donné un amant latino qu’elle affectionnait particulièrement et Simone empruntée à Simone Signoret qu’elle avait vue dans le film Casque d’or.  Nina Simone impose peu à peu son style : un mélange de jazz, blues et de musique classique qui lui permet d’acquérir un public d’admirateurs fidèles qui la suivent de club en club.

Nina Simone

© DR


En 1955 elle reprend I Loves You, Porgy du célèbre Opéra de George Gershwin, Porgy and Bess qui lui ouvre la porte du succès. En 1958 elle enregistre son premier disque de la reprise dont le bon accueil lui permet de signer avec le petit label Bethlehem Records. Totalement inexpérimentée, elle en cède tous les droits à son label en échange de 3000 dollars. Le titre devient un grand succès en Amérique et son premier album Little Girl Blue suit peu après.  Elle avoue aussi à ses parents sa carrière musicale, mais cette révélation coupe les derniers liens avec sa mère qui considère cette musique comme diabolique.
À sa troisième saison au Midtown Bar & Grill où elle affiche complet tous les soirs, elle est remarquée par un agent artistique new-yorkais qui lui propose un contrat exclusif. Elle accepte et tourne dans plusieurs clubs où elle rencontrera et signera avec le label King Records.
Après ce succès Nina signe un contrat avec la grande maison de disques Colpix Records à condition qu’elle renonce au contrôle de l’aspect créatif sur sa musique. Nina Simone va garder cette attitude envers l’industrie du disque durant la majeure partie de sa carrière. En 1961 elle épouse Andrew Stroud, un détective qui devient son manager. Ils auront une fille l’année suivante.

En 1964, elle abandonne Colpix pour le label Philips.  À partir de ce contrat, le répertoire de Nina prend la forme d’un pamphlet contre le racisme. Elle s’engage dans le mouvement de défense des droits des Noirs.

Très influente à cette période aux États-Unis sa musique est une source d’inspiration pour les générations. Son style original est issu de la fusion du gospel et avec la le blues, la folk, la chanson et le classique, chants africains. Elle y intègre aussi à ces performances des monologues enflammés et des dialogues avec le public, elle utilise cris, soupirs, pleurs et souvent le silence comme instrument de musique pour apporter plus de force à ses messages.
Elle joue lors de nombreuses grandes réunions publiques sur les droits civils, comme à la célèbre Marche de Selma à Montgomery en 1965.

Nina Simone en 1965

(c) DR


1970 est le début d’années d’errance. Dégoutée du show business, elle quitte les États-Unis pour la Barbade, comptant sur son mari et manager pour l’avertir quand elle devra reprendre la scène. Mais Stroud interprète la disparition soudaine de Nina comme un désir de divorce.  À son retour, elle apprend qu’elle est recherchée pour des impôts impayés. Pour échapper aux poursuites, elle retourne à la Barbade et entretient une longue liaison avec le Premier ministre local.
En 1987 la version originale de My Baby Just Cares for Me datant de 1958 deviendra son plus important succès après une utilisation dans une publicité pour le parfum no 5 de Chanel.
Miriam Makeba, amie proche, lui suggère de venir au Liberia. Après elle ira vivre en Suisse, aux Pays-Bas, avant de s’installer en France en 1992 près d’Aix-en-Provence dans le sud de la France.  En 1998, elle est l’invitée spéciale de l’anniversaire de Nelson Mandela. En 1999, elle est récompensée à Dublin pour l’ensemble de sa carrière. Elle reçoit en 2000 le prix d’honneur l’association de la musique afro-américaine de Philadelphie.
À l’âge de 70 ans après plusieurs mois de maladie, elle meurt le 21 avril 2003 à son domicile, dans les Bouches-du-Rhône rongée par un cancer du sein et des troubles mentaux (bipolarité). Selon ses dernières volontés, ses cendres ont été dispersées dans plusieurs pays africains.
Plus de 10 après sa disparition Nina Simone reste une artiste à la profondeur inégalée qui influence jusqu’à aujourd’hui nombre d’artistes de toutes générations. Timbaland, Common, Kanye West, Talib Kweli ou will.i.am (Black Eyed Peas) n’ont pas hésité à sampler ses titres pour leur propre creation. Mary J. Blige,  Alicia Keys ou Lauryn Hill mais aussi John Lennon ou Jeff Buckley n’hésitent pas à son impact sur leur carrière musicale. Nina Simone aura marqué le XXe siècle, et inscrit son nom au panthéon des artistes majeurs.
+Information : http://www.ninasimone.com
https://youtu.be/GkjP-0SLzAo?t=5m54s

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