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Île de Gorée, « l’île Mémoire »

Rédigé par

20.06.2015

Devenue symbolique elle est aujourd’hui une terre de pèlerinage pour la diaspora noire, qui permet aujourd’hui de témoigner de manière universelle, d’une expérience humaine sans précédent : l’esclavage. Consécration internationale : L’île a été classée site historique en 1944, reconnue officiellement par l’ONU (Organisation des Nations unies) en 1978 puis a été portée sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO (l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) considéré comme « centre historique du commerce triangulaire ».
Du XVe au XIXe siècle, Gorée a été le plus grand centre de commerce d’esclaves de la côte africaine (20 millions d’Africains en provenance de Gambie, Saint-Louis du Sénégal, Bénin, Ghana). Tour à tour sous domination portugaise, néerlandaise, anglaise et française, Gorée (du hollandais « Goede Reede » qui signifie « bonne rade ») doit son destin singulier à sa position géographique stratégique offrant un abri sûr pour le mouillage des navires.
Les différentes constructions — forts, bâtisses, rues, places, etc. — racontent, chacune à sa manière, l’histoire de l’île de Gorée. Mais c’est la Maison des esclaves qui en est le point fort…. Jusqu’à l’abolition, l’île a été un entrepôt constitué de plus d’une dizaine d’esclaveries : centres concentrationnaires des esclaves africains en partance pour l’Amérique.
La célèbre maison rose construite en 1776 par les Hollandais, a été préservée afin de pouvoir expliquer et commémorer le commerce des esclaves qui a sévi dans cette région.

Ile de Gorée

© UNESCO/Richard Veillon


L’effectif contenu dans la maison variait entre 150 à 200 esclaves et l’attente de départ durait parfois près de 3 mois dans des conditions inhumaines. Même si tous partaient vers les Amériques, les familles y étaient séparées.  La partie supérieure de la maison — qui aujourd’hui sert de salle d’exposition — était composée de grandes pièces avec fenêtres, du mobilier confortable et de qualité, servait de résidence pour les commerçants européens. En se penchant du balcon au-dessus de l’escalier à double flèche, les acheteurs et les négriers européens pouvaient observer les esclaves et discuter de la valeur marchande et spécialisation de chacun, fixée en fonction de son groupe ethnique.
Au rez-de-chaussée se trouvaient les cellules destinées aux hommes, aux enfants, aux jeunes filles, aux « inaptes temporaires » et la chambre de pesage.
Celles réservées aux hommes (2,60 m sur 2,60 m), servaient à en « entreposer »  jusqu’à 15 à 20 entravés au cou et aux bras,  avant de les charger dans les navires-négriers. Les conditions d’hygiène y étaient insupportables à tel point qu’une épidémie de peste a ravagé l’île de Gorée en 1779. Les esclaves n’étaient libérés qu’une fois par jour afin de leur permettre de satisfaire leurs besoins.
Ile de Gorée

© OUR PLACE/Pall Stefansson


Dans les cellules dédiées aux enfants, les conditions étaient telles que leur taux de mortalité étaient le plus élevés.
Les jeunes filles étaient séparées des femmes, car elles avaient une valeur marchande plus élevée. Mais cela n’empêchait pas les négriers d’en abuser sexuellement. Quand certaines tombaient enceintes, elles étaient autorisées à rester sur l’île de Gorée ou étaient envoyées à Saint-Louis. C’est ainsi que dans leur intérêt, beaucoup de jeunes femmes se donnaient aux colons pour gagner leur liberté et rester sur le continent. C’était leur seul moyen de salut… Ce métissage  fit apparaitre sur l’île la communauté des signares déformation du portugais sehnoras, qui créa, comme les créoles aux Antilles, l’aristocratie locale…
La chambre de pesage servait à vérifier le poids des esclaves qui devait être au minimum de 60 kg. S’ils ne les atteignaient pas, ils étaient mis dans les cellules des inaptes temporaires afin de les nourrir de gré ou de force pour les faire grossir avant de les embarquer sur les bateaux.
Au milieu du couloir central se trouve une ouverture donnant de plain-pied sur l’océan et la côte rocheuse. Ce corridor, appelé la porte du « voyage sans retour », était la porte d’où les esclaves étaient embarqués pour le Nouveau Monde. De l’autre côté de cette porte, il y avait un ponton de bois qui servait de quai de chargement.
Île de Gorée

© UNESCO/Richard Veillon


Certains esclaves évidemment attendaient ce moment pour tenter de s’échapper en se jetant dans la mer, mais ils n’allaient pas bien loin,  abattus par les gardiens ou dévorés par les requins, attirés par les corps des malades et les blessés qui étaient jetés à l’eau.
Jusqu’à sa mort en 2009, Boubacar Joseph NDIAYE, guide et conservateur historique de ce musée, racontait l’histoire et le rôle de ces lieux avec compassion, bien déterminé à éveiller la conscience de son auditoire et transmettre son message de tolérance et réconciliation !
Aujourd’hui l’île de Gorée est jumelée avec d’autres villes également chargées d’Histoire comme  Drancy en France, Robben Island  en Afrique du Sud, Sainte-Anne à la Martinique et le Lamentin en Guadeloupe. Si vous passez par l’Afrique, Gorée est un lieu de passage et de recueillement obligé.
 

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